Hérédité et politique

Publié le par AR. BRETAGNE

L'objection la plus courante à la royauté est la transmission héréditaire du pouvoir. Qu'est-ce qui assure que le fils aura les qualités du père, nous dit-on ? L'intelligence politique n'est pas inscrite dans les gènes. Imaginer cela serait aussi stupide que de croire qu'avoir fait l'ENA est un gage de cette intelligence politique. Si nous pensons que l'hérédité est une forme préférable de transmission du pouvoir, c'est pour trois raisons. Tout d'abord il s'agit de soustraire la désignation du chef de l'Etat à la discussion et à la contestation. Blaise Pascal écrit : « Les choses du monde les plus déraisonnable deviennent les plus raisonnable à cause du dérèglement des hommes. Qu'y a-t-il de moins raisonnable que de choisir, pour gouverner un Etat, le premier fils d'une reine? L'on ne choisit pas pour gouverner un bateau celui des voyageurs qui est de meilleure maison. Cette loi serait ridicule et injuste; mais parce qu'ils le sont et le seront toujours, elle devient raisonnable et juste, car qui choisira-t-on? Les plus vertueux et le plus habile? Nous voilà incontinent aux mains, chacun prétendant être ce plus vertueux et ce plus habile. Attachons donc cette qualité à quelque chose d'incontestable. C'est le fils aîné du roi: cela est net, il n'y a point de dispute. La raison ne peut mieux faire, cars la guerre civile est le le plus grand des maux. » C'est que la contestation de la légitimité du chef de l'Etat n'affaiblit pas seulement celui-ci, mais affaiblit aussi l'Etat et donc le pays tout entier. La transmission héréditaire de cette charge résout cette question.

 



D'autres procédures, dira-t-on, la résolvent aussi. Le tirage au sort par exemple, que pratiquaient les Arthéniens. Mais, il est un autre avantage que procure la transmission de père en fils, c'est l'amour filial. Un président de la république, quel que soit le temps qu'il occupe ce poste, n'est qu'un intérimaire qui laisser son siège à un étranger pour lui. Un roi passera le flambeau à son fils. Au premier, il faut beaucoup de vertu pour ne pas profiter, au dépens de l'Etat, d'une situation de pouvoir précaire. Une telle vertu est rare. Au second l'amour filiale lui dictera d'embellir le patrimoine, l'Etat, qu'il léguera à son fils. Cet amour filial est répandu, plus que la vertu désintéressée dont faire preuve un élu. C'est que nous souhaitons tous transmettre à nos enfants un peu de notre oeuvre sur terre, pour continuer à vivre grâce à eux, non pas biologiquement, mais spirituellement. C'est ainsi que l'homme peut atteindre l'immortalité, nous dit Platon, dans Le banquet. Ainsi, là où la République demande une vertu surhumaine, la Royauté fait fond sur la nature humaine. Reste qu'on objecter, sans doute, que tout cela ne garantit pas la compétence du roi. Bien sûr! Pas plus que l'habileté à se faire élire, c'est-à-dire à plaire au peuple, n'est gage d'aptitude à le gouverner. Mais pour apprendre l'art politique, vaut-il mieux une école d'administration, l' apprentissage de la rhétorique ou l'exemple quotidien du gouvernement qu'un roi donne à son fils? La connaissance des rouages de l'Etat est-elle meilleure lorsqu'elle est théorique ou lorsqu'elle découle d'une pratique quotidienne depuis l'enfance? Dans tous tous les métiers on constate une forte transmission du père au fils. Pour les professions libérales, on conçoit que des question financières entre en jeu. Mais pour les cheminots, les artisans, les enseignants? C'est que l'affection pour le père diffuse inévitablement sur le métier qu'il exerce; que sa fréquentation dès l'enfance, l'exemple paternel, donne de ce métier une connaissance qu'aucune école ne peut donner. Il n'en est pas autrement pour un fils de roi. Nul ne sait s'il sera compétent, mais son éducation, la fréquentation et l'exemple de son père, sont les meilleurs atouts pour qu'il le soit. L'apprentissage d'un roi commence dès la naissance.


Grâce à la transmission héréditaire de la couronne, on évite la contestation quand à la légitimité du roi; on fait profiter l'Etat d'un sentiment humain répandu, l'amour filial, plutôt que d'exiger une vertu rare et difficile du chef de l'Etat; on se donne toutes les chances que celui-ci soit le plus compétent possible.

 

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