Hérédité et politique
D'autres procédures, dira-t-on, la résolvent aussi. Le tirage au sort par exemple, que pratiquaient les Arthéniens. Mais, il est un autre avantage que procure la transmission de père en fils, c'est l'amour filial. Un président de la république, quel que soit le temps qu'il occupe ce poste, n'est qu'un intérimaire qui laisser son siège à un étranger pour lui. Un roi passera le flambeau à son fils. Au premier, il faut beaucoup de vertu pour ne pas profiter, au dépens de l'Etat, d'une situation de pouvoir précaire. Une telle vertu est rare. Au second l'amour filiale lui dictera d'embellir le patrimoine, l'Etat, qu'il léguera à son fils. Cet amour filial est répandu, plus que la vertu désintéressée dont faire preuve un élu. C'est que nous souhaitons tous transmettre à nos enfants un peu de notre oeuvre sur terre, pour continuer à vivre grâce à eux, non pas biologiquement, mais spirituellement. C'est ainsi que l'homme peut atteindre l'immortalité, nous dit Platon, dans Le banquet. Ainsi, là où la République demande une vertu surhumaine, la Royauté fait fond sur la nature humaine. Reste qu'on objecter, sans doute, que tout cela ne garantit pas la compétence du roi. Bien sûr! Pas plus que l'habileté à se faire élire, c'est-à-dire à plaire au peuple, n'est gage d'aptitude à le gouverner. Mais pour apprendre l'art politique, vaut-il mieux une école d'administration, l' apprentissage de la rhétorique ou l'exemple quotidien du gouvernement qu'un roi donne à son fils? La connaissance des rouages de l'Etat est-elle meilleure lorsqu'elle est théorique ou lorsqu'elle découle d'une pratique quotidienne depuis l'enfance? Dans tous tous les métiers on constate une forte transmission du père au fils. Pour les professions libérales, on conçoit que des question financières entre en jeu. Mais pour les cheminots, les artisans, les enseignants? C'est que l'affection pour le père diffuse inévitablement sur le métier qu'il exerce; que sa fréquentation dès l'enfance, l'exemple paternel, donne de ce métier une connaissance qu'aucune école ne peut donner. Il n'en est pas autrement pour un fils de roi. Nul ne sait s'il sera compétent, mais son éducation, la fréquentation et l'exemple de son père, sont les meilleurs atouts pour qu'il le soit. L'apprentissage d'un roi commence dès la naissance.
Grâce à la transmission héréditaire de la couronne, on évite la contestation quand à la légitimité du roi; on fait profiter l'Etat d'un sentiment humain répandu, l'amour filial, plutôt que d'exiger une vertu rare et difficile du chef de l'Etat; on se donne toutes les chances que celui-ci soit le plus compétent possible.